IPO de Snowflake : Warren Buffett parie sur cette pépite du cloud computing, faut-il en faire autant ?

Intéressons-nous à Snowflake, entreprise américaine peu connue actuellement sous le feu des projecteurs financiers. Et pour cause : en plus d’entrer en bourse ce mardi 15 septembre 2020, l’entreprise de cloud computing vient de voir arriver dans ses futurs actionnaires institutionnels … Berkshire Hathaway, la célèbre société du non moins célèbre Warren Buffett. Comment interpréter l’intérêt de Buffett pour Snowflake ? Devriez-vous participer à l’IPO ? Éléments de réponse.

Avant de continuer …

Abonnez-vous à notre actualité et restez à jour dès qu’un nouvel article est publié !

IPO de Snowflake : Warren Buffett parie sur cette pépite du cloud computing, faut-il en faire autant ? 1

Table des matières

Warren Buffett, les valeurs techs & les IPO, tout sauf le grand amour

Pour commencer cet article et comprendre en quoi la prise de participation de Warren Buffett dans Snowflake est tout sauf anodine, il nous faut revenir quelques instants sur le profil du célèbre homme d’affaire milliardaire. L’idée n’est pas ici de refaire la biographie ni l’historique de l’Oracle d’Omaha. D’autres s’en sont déjà occupés avec brio au travers de livres fascinants (nous recommandons chaudement « L’effet boule de neige » d’Alice Schroeder !).

Pour faire simple, Buffet n’investit que dans ce qu’il comprend. Des choses simples. Pour lui, une façon de choisir dans quoi investir consiste à sortir dans la rue pour demander à un enfant de 10 ans de nommer une entreprise.

Il ne risque pas de vous citer la mystérieuse Palantir dont nous vous parlions récemment, IBM ou encore Snowflake. Mais il vous nommera sûrement Coca-Cola, Costco (s’il est américain) ou des noms de banques. Selon Buffett, il peut être intéressant d’investir dans ce qu’un enfant de 10 ans comprend et connaît, car ce genre d’entreprise est là pour durer et, potentiellement, pourra générer de la richesse pour l’actionnaire.

Un autre point cher à Warren Buffett est le concept de rempart concurrentiel (le moat). C’est là la principale raison pour laquelle il a longtemps évité les actions technologiques. Simplement parce que pour lui, la plupart d’entre elles n’ont pas ce moat. Il recherche des entreprises qui seront là pour la vie, qui accompagneront toutes les étapes de notre existence, dès l’enfance et ce, quelles que soient les conditions du marché. Coca-Cola en est un exemple flagrant. Pour y arriver, il faut un moat solide.

Avec ce qui précède, il est aisé de comprendre pourquoi Warren Buffett est peu intéressé par le secteur technologique ou les introductions boursières (IPO). En effet, le secteur technologique peut être, d’un point de vue financier, difficile à cerner. De plus, les IPO n’aident pas souvent à analyser les finances des sociétés introduites (voyez Palantir !) ou à définir un rempart concurrentiel. Mais l’Oracle d’Omaha a néanmoins changé son fusil d’épaule ces dernières années. Bien qu’il n’ait investi dans le secteur technologique qu’avec parcimonie, notons deux participations notables au travers d’Apple et d’Amazon.

Ce n’est donc pas tous les jours que Warren Buffett accepte de souscrire à une introduction en bourse, qui plus est pour une valeur technologique. Pourtant, c’est exactement ce que Berkshire Hathaway, son conglomérat, se prépare à faire avec Snowflake, l’une des introductions boursières technologiques les plus attendues de l’année 2020.

Snowflake, décacorne non rentable du cloud computing en pleine croissance

Présentation de l'entreprise

Co-fondée en 2012 par 3 experts de la Silicon Valley (dont 2 français), Snowflake est une entreprise de type décacorne, soit une start-up tech dont la valorisation dépasse 10 milliards de dollars. En effet, en février 2020, l’entreprise a réussi à lever, en série G, 479 millions de dollars portant sa valorisation financière à plus de 12 milliards de dollars.

IPO de Snowflake : Warren Buffett parie sur cette pépite du cloud computing, faut-il en faire autant ? 3

Les données sont devenues essentielles au fonctionnement des entreprises modernes. Elles en génèrent énormément chaque jour, mais pour traduire cette ressource informatique en quelque chose d’exploitable, une entreprise a besoin d’un endroit pour agréger, stocker, organiser et analyser les données, ce qu’on appelle dans le jargon un entrepôt de données (data warehouse). Comme on peut l’imaginer, les entrepôts de données peuvent être assez grands et coûteux à construire et à entretenir, d’autant plus lorsqu’il s’agit de mégadonnées (big data). 

C’est là qu’intervient Snowflake, qui fournit cet entrepôt de données en tant que service (data warehouse-as-a-services, abrégé DWaaS) pour permettre aux entreprises de stocker, analyser et échanger des données facilement et en toute sécurité.

Snowflake est donc active dans le vaste domaine du cloud computing. Elle combine 3 grandes activités distinctes s’articulant autour de la data : le stockage, le calcul et les services. Le modèle commercial de Snowflake vise à fournir des solutions là où, selon eux, d’autres plates-formes de données et solutions de big data sont insuffisantes. L’entreprise y parvient en permettant à n’importe quel utilisateur de travailler avec n’importe quelle donnée, sans limites d’échelle, de performances ou de flexibilité. 

Selon le bureau d’étude Allied Market Research, le marché mondial de l’entreposage de données devrait croître à un taux de croissance annuel composé de 8,2%, passant de 18,61 milliards de dollars en 2017 à 34,69 milliards de dollars d’ici 2025. Avec la crise du Covid-19 et l’accélération de la digitalisation des entreprises, le potentiel économique n’en sort que renforcé !

Pour ce faire, Snowflake vise à accroître son panel de clients. Ces derniers sont de toutes tailles, avec un focus sur les entreprises de moyenne et grande taille aux besoins d’intégration de données importants. Ses clients viennent de tous les horizons, de tous les secteurs, preuve de la flexibilité et de l’adaptabilité des solutions proposées par Snowflake. Néanmoins, son segment principal reste les entreprises technologiques. Comme clients connus, citons par exemple Axa, Logitech, Deliveroo, Siemens ou encore l’Université de Sidney.

Nous sommes très concentrés sur le contenu lui-même, c'est-à-dire sur les données, et sur la mise en place d'actifs de données de grande valeur sur la plate-forme [...] Ces données sont très précieuses, toutes les données ne sont pas créées égales.

L’entreprise a également développé un programme de partenariat solide, qui aide l’entreprise à étendre la portée et les capacités de ses services et produits. Et ses partenaires ne sont rien de moins que des géants comme Amazon Web Services (AWS), Google Cloud, Microsoft Azure ou encore Salesforce. Du très beau monde pour qui s’y connaît en cloud ! Mais l’œil du connaisseur y verra aussi certains concurrents directs (comme AWS ou Azure).

Données financières

Maintenant que le profil de l’entreprise a été dressé, intéressons-nous à ses chiffres financiers. En effet, l’entreprise a soumis un dépôt S-1 assez complet auprès de la SEC, l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers. Contrairement à ce que nous observions il y a peu pour Palantir, ici, point de culte du secret ou de zones d’ombres.

S’il ne fallait retenir qu’un seul chiffre, ce serait le taux de croissance de Snowflake. Il est tout bonnement impressionnant : ses revenus sont passés de 96,7 millions de dollars en 2019 à 264,7 millions de dollars en 2020, soit une croissance de … 174% ! Une croissance à 3 chiffres ! Sa marge bénéficiaire brute en 2020 était quant à elle de 56%. En comparaison d’autres entreprises technologiques comme Zoom Video CommunicationsCrowdStrike ou encore Shopify, ces chiffres sont excellents pour une entreprise technologique  en pré-IPO.

Une croissance trimestrielle de 121% (entre les 2e trimestres de 2020 et 2021)

Néanmoins, à ce jour, l’entreprise est toujours déficitaire, comme souvent dans le secteur technologique (hors grands acteurs type GAFAM). Les pertes nettes de la société étaient de 348,5 millions de dollars en 2020, un chiffre bien supérieur aux 178 millions de dollars de pertes de 2019 (+96 %). La situation semble néanmoins s’améliorer : les pertes nettes de la société au premier semestre de l’exercice 2021 (clos au 31 juillet 2020) étaient de 171 millions de dollars, un chiffre légèrement inférieur aux 177 millions de dollars de pertes au cours du premier semestre de l’exercice précédent. La majeure partie des pertes sont liées aux dépenses de ventes et de marketing, ce qui reste normal vu la prospection de nouveaux clients, indispensable pour croître.

Le bénéfice net ajusté par action était négatif de 1,63 $ pour l’exercice fiscal de 2020, comparativement à un bénéfice net ajusté par action négatif de 0,72 $ au premier semestre de l’exercice 2021. Ici aussi, les choses s’améliorent.

Fin juillet 2020, Snowflake comptait 3117 clients, dont près de 146 faisant partie du Fortune 500 (et 7 du Fortune 10). Un élément important pour une entreprise proposant des services informatiques est le taux de rétention, un chiffre qui indique la capacité d’une entreprise à fidéliser efficacement ses clients. Dans le cas de Snowflake, le taux de rétention est de 158%, ce qui est énorme et indique que l’entreprise ajoute des revenus à partir de la même cohorte de clients. Un client satisfait est un client qui reste, cela semble être le cas ici !

IPO de Snowflake : Warren Buffett parie sur cette pépite du cloud computing, faut-il en faire autant ? 4

La valorisation au regard de l'IPO

NB : section mise à jour avec les informations publiées après la mise en ligne de notre article.

Comme dit plus haut, la dernière campagne de financement de série G de Snowflake en février 2020 lui a permis de lever près de 479 millions de dollars. Depuis sa création, la société a levé un total de 1,4 milliard de dollars et a atteint une valorisation d’un peu plus de 12,4 milliards de dollars. 

L’entreprise cherche à lever plus de 3 milliards de dollars via l’IPO, qui aura lieu ce mardi 15 septembre 2020 sur le NYSE (ticker « SNOW »). Pour ce faire, elle prévoit de placer 28 millions d’actions ordinaires de classe A, à un prix unitaire compris entre 100 $ et 110 $. L’entreprise a également annoncé la possibilité d’ajouter sur la table 4,2 millions d’actions A supplémentaires, si nécessaire (en cas de forte demande par exemple). En parallèle, 240 millions d’actions ordinaires de classe B seront émises (avec un poids plus important au niveau des droits de votes). En tout, près de 278 millions d’actions ordinaires seront émises lors de l’IPO.

En se plaçant à 110 $ l’action (limite haute de la fourchette d’introduction), l’entreprise serait valorisée à près de 30,7 milliards de dollars, soit plus du double de sa valorisation précédente en février (12,4 milliards de dollars). Si cela venait à se confirmer, Snowflake deviendrait l’entreprise de logiciels avec l’offre publique initiale la plus importante jamais réalisée (tant au niveau de la levée de fonds qu’en termes de capitalisation boursière).

Ratio EV/R

Reprenons notre approche fondamentale utilisée sur Palantir, via le ratio Enterprise-Value-to-Revenue Multiple (EV/R), qui compare la valeur d’une entreprise à ses revenus. Il permet de déterminer si le prix d’une action est équitable, en répondant à la question : « À combien une entreprise est-elle évaluée pour chaque dollar de chiffre d’affaires ? ».
 
IPO de Snowflake : Warren Buffett parie sur cette pépite du cloud computing, faut-il en faire autant ? 5
 
Dans le cas de Snowflake, la capitalisation boursière moyenne serait de 29,3 milliards de dollars (avec un prix moyen à 105 $ l’action), pour des revenus de 264,7 millions de dollars en 2020. La valeur d’entreprise se calcule, dans sa version simple, en additionnant la dette à la capitalisation boursière, puis en soustrayant la trésorerie et équivalents de trésorerie. Toutes ces données sont disponibles (contrairement à Palantir) : au 31 juillet 2020, Snowflake avait 886,8 millions de dollars en trésorerie et équivalents et 673,6 millions de dollars de dettes/passifs.
 
Ce qui nous donne un ratio EV/R de 109,8x. C’est un chiffre extrêmement élevé pour ce type de ratio, ce qui indique une survalorisation importante de l’entreprise. Mais vous vous en doutiez déjà, non ? 

Comparons l’EV/R de Snowflake à ceux d’entreprises similaires :
  • Oracle : 5,2x
  • SAP : 6,0x
  • Microsoft : 10,4x
  • Salesforce.com : 11,1x
  • Adobe : 18,8x
Un ratio très élevé, à mettre en perspective des chiffres généraux de Snowflake et de son statut d’entreprise technologique de croissance émergente (emerging growth company). Et de la hype de l’IPO, bien entendu.

Et Berkshire Hathaway dans tout ça ?

Une femme de vingt-quatre ans comptant les billets d'un dollar.

Berkshire Hathaway prévoit d’acheter, via un placement privé, 250 millions de dollars d’actions ordinaires de classe A de Snowflake à un prix moyen prévu à 105 $, soit 2 380 952 actions A. Berkshire a également accepté d’acheter 4 042 043 d’actions supplémentaires dans une transaction secondaire, toujours selon le dépôt S-1.  Soit un total de 674,4 millions de dollars.

C’est une participation tout sauf anodine ! Certes, cet investissement dans Snowflake est assez faible par rapport à la montagne de liquidités sur laquelle dort Berkshire Hathaway (plus de 137 milliards de dollars à la fin du premier trimestre 2020, soit une position de moins d’1%). Mais vu le passif de Warren Buffett et les changements à la direction opérationnelle de Berkshire Hathaway, c’est sans aucun doute un signe que le conglomérat est en train de changer son fusil d’épaule. Son équipe change, sa vision tout autant. 

 

Conclusion

À la question « faut-il souscrire à l’IPO de Snowflake ? », nous ne pouvons donner de réponse ferme. Au-delà du fait que nous ne pouvons donner de conseils financiers, chacun devra regarder cette entreprise dans sa globalité :  des chiffres financiers extrêmement ambitieux malgré un déficit net, une survalorisation évidente en perspective mais un potentiel de développement important, soutenu par des besoins structurels bien réels dans la data. Et Berkshire Hathaway, qui visiblement a décelé quelque chose de plaisant chez Snowflake. La réponse à la question serait probablement « oui » pour nombre d’investisseurs particuliers. Oui, mais …

Il n’empêche que l’IPO va être extrêmement cher pour l’investisseur particulier. Cette survalorisation va se payer, tôt ou tard. La volatilité risque d’être intense, et tous les profils ne sont pas adaptés à ce type de valeur ! Oui, mais …

Montre à gousset sur journal financier

Si comme moi, vous investissez sur le long terme, vous pourriez malgré tout être tenté de monter dans le train dès le départ. L’entreprise propose des chiffres alléchants, le secteur est porteur sur le long terme. J’affectionne particulièrement les valeurs portées par des mégatendances.

Je comptais, personnellement, participer à l’IPO, mais vu l’augmentation de la fourchette de cotation, la valorisation extrême m’incite à la prudence. J’attendrai donc quelques jours avant d’éventuellement me positionner, avec cependant une subtilité : un fractionnement de l’entrée. La moitié d’une ouverture de position habituelle, et l’autre quelques jours/semaines plus tard quand la poussière sera retombée. Ceci permettra de lisser les fluctuations de l’IPO et, finalement, cela ne restera qu’une ouverture de position, qui pourra être étoffée/lissée ultérieurement à la hausse, comme à la baisse !

Un fractionnement de court terme, donc, dans le fractionnement de long terme que nous prêchons habituellement !

Note actuelle
Cliquez pour noter cet article !
[Total: 3 Moyenne: 5]

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.