Les Marchés Frontières : quand l’émergent ne suffit plus en 2019

Ces dernières années, les économies émergentes telles que la Chine, le Brésil et l’Inde ont propulsé la majeure partie de la croissance enregistrée dans le monde. Hélas, cette situation tend à se normaliser. Avec des perspectives de croissance limitées dans la plupart des grands pays, il est peut-être temps d’aller à la rencontrer des potentiels marchés émergents de demain : les marchés frontières…

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Table des matières

La fête serait-elle finie sur les marchés émergents ?

Ces dernières années, lorsqu’un investisseur cherchait un rendement important avec une prime de risque élevée, le constat était souvent le même : il fallait investir dans les marchés émergents. Avec des rendements attrayants plus élevés, liés à des taux de croissance plus forts, les investisseurs tablaient de facto sur une rentabilité supérieure de ces actifs. Hélas, 2018 a dénoté par rapport aux précédentes années. À l’heure où certains commencent à prévenir d’un ralentissement de l’économie mondiale, les beaux jours de ces rendements hors normes sont peut-être derrière nous.

Comparaison des performances entre les indices MSCI Emerging Markets et MSCI World entre 1988 et 2016.
Comparaison des performances entre les indices MSCI Emerging Markets et MSCI World entre 1988 et 2016.

C’est dans cette situation de normalisation des économies des pays émergents approchant, à leurs rythmes, vers le statut de marchés développés que s’est développé le concept de « marché frontière » (frontier market). Les marchés frontières sont généralement considérés comme moins développés que les marchés émergents, sans être qualifiables d’états en déliquescence. À l’heure où les marchés émergents sont saturés en investisseurs et en liquidités du monde entier, ces marchés frontières, a contrario, constituent des endroits où la plupart des investisseurs n’ont jamais investi ; en effet, les marchés frontières constituent un segment du marché des actions qui fait généralement défaut dans les portefeuilles tant institutionnels que particuliers.

Ces marchés sont donc toujours très bon marché, recelant du rendement pour celui qui acceptera une dose de risque importante, parfois plus élevée que celle des marchés émergents.

Qu’est-ce qu’un marché frontière ?

Riches en potentiels, les marchés frontières bénéficient de nombreuses caractéristiques d’intérêt. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que ces économies sont souvent qualifiées de futures économies émergentes, car ces marchés frontières sont au tout début de leur courbe de développement économique. Perspectives de croissance importante, démographie en plein essor, mise en place de systèmes de gouvernances sains au niveau public et privé ; ils détiennent toutes les clés pour un développement à long terme, développement qui, selon les analystes, devrait imiter celui des marchés émergents actuels pour finalement converger vers le statut d’économie développée, à plus long terme. Tous les marchés sont, en effet, considérés à un moment de leur existence comme des marchés frontières avant de subir un événement qui les fera évoluer au stade économique suivant.

Quand nous regardons un peu en arrière, la Bourse de New York, le NYSE, a été créée en 1817 sous un platane (situé à l’emplacement de l’actuel 68, Wall Street) afin de faciliter les échanges entre courtiers sur une poignée d’actifs : cinq titres, trois obligations d’État et deux actions de banques. Y voir un marché frontière des temps passés est aisé. Comparer cet état de fait à la situation actuelle du NYSE laisse songeur. Et que dire de la Chine qui, en 1980, était largement considéré comme un marché frontière, mais qui est aujourd’hui la deuxième plus grande économie en le monde ?

Carte du découpage des marchés mondiaux par MSCI
L’économie mondiale et ses marchés, classés selon MSCI (en date du 28/02/2019)

Les pays frontières sont rassemblés par l’entreprise de services financiers MSCI au sein d’un indice, le MSCI Frontier Markets Index. Ce dernier, canonique parmi la gamme d’autres indices Frontier Markets de MSCI, intègre 114 composants, grandes et moyennes capitalisations, issus de 29 pays répartis sur les différents continents. Comme visible ci-dessous, on y retrouve autant des pays d’Europe de l’Est que des nations d’Afrique ou d’Asie. Un seul représentant américain se retrouve dans l’indice, l’Argentine. D’autres indices Frontier Markets ont été créés par MSCI, comme le MSCI Frontier Markets IMI (près de 300 composantes) ou le MSCI Frontier Markets 100 Index (version allégée de l’indice IMI).

Arborescence des marchés mondiaux par MSCI
La classification MSCI des différentes économies du monde, divisées en trois stades de développement de marchés : développé, émergent et frontière.

Fait intéressant, en 2011, ces pays frontières ont affiché 18 des 20 chiffres de croissance économique les plus élevés au monde. En 2018, comme le montre l’infographie ci-dessous, les pays affichant les meilleures perspectives de PIB bruts (Best-performing GDP, partie bleu du graphe) étaient des pays des marchés frontières, aux côtés de pays émergents.

Prévision de PIB en 2018 dans le monde
Prévision du PIB de divers pays en 2018. La plupart des pays à forte croissance du PIB font partie des marchés frontières.

Qu’en est-il de la volatilité, du risque et du rendement de ces marchés ?

De nombreux investisseurs ignorent les actions des marchés frontières, car elles sont perçues comme trop risquées et volatiles. Cependant, les marchés frontières ont toujours été moins volatiles que les marchés développés et émergents. Le bêta moyen (soit le rapport entre la rentabilité d’un actif et celle du marché) des huit principaux ETF des marchés frontières est de 0,80, contre 0,99 pour l’ETF SPDR S&P 500 (SPY), ou encore 1,03 pour l’ETF iShares MSCI Emerging Markets (EEM). Les chiffres ne mentent pas, contrairement aux idées reçues !

Pour reprendre les propos de Sebastien Lieblich, research director chez MSCI :

Les marchés frontières sont très axés sur la demande interne et présentent une corrélation relativement faible avec les marchés plus globaux … Et cela explique probablement pourquoi nous constatons une excellente performance depuis le début de l’année (2013, NDLR) sur les marchés frontières.

Ces marchés représentent des pays en développement avec des taux de croissance économique élevés, mais des marchés boursiers petits et relativement peu liquides, qui en sont souvent à leurs balbutiements et ont attiré l’attention en raison de leurs possibilités de diversification et de leur potentiel de croissance. À titre indicatif, durant 2018, les marchés frontières ont corrigé au cours du dernier trimestre de l’année, mais ont obtenu de meilleurs résultats que leurs homologues mondiaux. La Lituanie, la Roumanie et la Tunisie ont été parmi les marchés les plus faibles. Le Vietnam et le Kenya ont également sous-performé.

Les préoccupations commerciales mondiales et la faiblesse du climat du marché ont pesé sur les cours des actions au Viêtnam, malgré des résultats positifs et une croissance vigoureuse du PIB. Sri Lanka, le Liban et l’Estonie ont toutefois résisté à la tendance, clôturant la période de trois mois avec des gains. Les investisseurs au Sri Lanka sont restés positifs malgré l’instabilité politique persistante et la faiblesse de la roupie sri-lankaise. S’agissant d’un compartiment dynamique de l’économie mondiale, il est cependant difficile d’extrapoler les conclusions de 2018 pour l’année en cours.

Les marchés d’actions frontières sont généralement suivis par les investisseurs à la recherche d’un engagement en capital à long terme, les rendements étant souvent corrélés à la direction générale des marchés mondiaux. Ce point est particulièrement visible sur le graphe ci-dessous : l’indice MSCI Frontier Markets amplifie les variations annuelles du MSCI All Country World Index (ACWI), à la hausse comme à la baisse.

C’est l’un des écueils de ces marchés, qui peut être évité en se focalisant sur les marchés ayant réussi leur transition d’une économie frontière à une économie émergente, comme le Qatar ou les Émirats Arabes Unis ; d’autres, comme l’Argentine, sont en cours de transition et méritent de fait d’être pris en considération. En effet, il a été prouvé que lorsqu’un marché passe d’un indice inférieur à un indice supérieur (de Frontier à Emerging), les prix augmentent d’environ 15% entre l’annonce et la date de prise d’effet. De quoi faire un tri entre le bon grain et l’ivraie, en étant à cheval entre les marchés frontières et les marchés émergents, via des ETF ciblés (voir plus bas).

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Performances comparées à l’indice MSCI ACWI, entre 2003 et 2018. Après plusieurs années de sur-performances entre 2004 et 2007, les performances annuelles sont plus nuancées depuis, plus variables. On notera que les années où l’indice MSCI ACWI est en performance négative, l’indice MSCI Frontier Markets l’est également, mais de façon plus marquée (comme en 2008 lors de la seconde phase de la crise financière mondiale de 2007-2008).

Investir en pratique

Comme à l’accoutumée, il existe trois voies principales pour investir dans les actifs des pays des marchés frontières : l’investissement direct, les fonds à gestion active et les ETF. Nous soulignons cependant que, bien que nous distinguions marchés émergents (MSCI Emerging Markets) et frontières (MSCI Frontier Markets), nous invitons l’investisseur particulier à considérer les marchés frontières comme des marchés émergents au sein de leur allocation stratégique et conseillons d’investir sur ces marchés dans le cadre d’un portfolio global diversifié. Nous vous redirigeons vers notre article « Allocation d’actifs stratégique et tactique pour l’investisseur particulier » pour plus de détails.

Investissement direct

Bien que possible, cette voie est déconseillée. En effet, comme nous l’avons déjà dit plus haut, les marchés frontières sont par nature des marchés aux capitaux restreints voir illiquides, moins accessibles et peu transparent. Les actions de marchés frontières resteront donc peu accessibles de manière générale pour l’investisseur particulier, quand elles ne lui seront pas carrément inaccessibles. Une alternative consisterait à investir dans des entreprises de marchés développés dont l’activité et le CA sont liés en totalité ou en partie aux marchés frontières, mais cela sortirait un peu du but initial.

Heureusement, les gestions actives et passives décrites ci-dessous permettent de remédier à cet écueil de l’investissement direct.

Fonds thématiques (gestion active)

La meilleure façon de s’exposer aux marchés émergents reste, à l’heure actuelle, de passer par un fonds thématique à gestion active. En effet, ces fonds auront le double avantage, dans la majorité des cas, de permettre une exposition globale aux marchés frontières (mitigation du risque) tout en bénéficiant de l’expertise des gestionnaires habilités à appréhender ces marchés singuliers à bien des égards. Attention cependant au risque de change, une partie de ces fonds étant cotés en USD.

Pour consulter l’intégralité des fonds disponibles, rendez-vous sur Quantalys (catégorie « Actions Pays Emergents autres zones« ) ou sur Morningstar (catégorie « Actions Marchés Frontières« ). Parmi l’ensemble des fonds, citons :

  • Schroder International Selection Fund Frontier Markets Equity A Accumulation USD – LU0562314715 (fiche Morningstar)
  • T. Rowe Price Funds SICAV – Frontier Markets Equity Fund A USD – LU1079763535 (fiche Morningstar)
  • Templeton Frontier Markets Fund A EUR – LU0390137031 (fiche Morningstar)
  • HSBC Global Investment Funds – Frontier Markets IC EUR – LU0666200349 (fiche Morningstar)

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Comparaison des 4 fonds précités : Schroder International Selection Fund Frontier Markets Equity A USD, T. Rowe Price Funds SICAV – Frontier Markets Equity Fund A USD, Templeton Frontier Markets Fund A EUR & HSBC Global Investment Funds – Frontier Markets IC (EUR). Analyse réalisée sur Quantalys le 08 avril 2019.

À chacun de choisir le fond qui lui conviendra le mieux au niveau du compromis entre performance et volatilité. Le ratio de Sharpe permettra notamment d’évaluer la performance du fond (plus ce dernier est élevé, plus le fond est performant). En gardant un œil sur les frais de gestion ! Le fond HSBC Global Investment Funds – Frontier Markets IC EUR (LU0666200349) semble être de bonne facture, avec des frais courants inférieurs à 2%, un ratio de Sharpe élevé parmi le panel étudié et une volatilité proche de la moyenne. Ce fond, côté en euros, présente la meilleure performance annualisée parmi les 4 étudiés.

Nous noterons néanmoins qu’il semble négliger l’exposition à l’Europe Émergente, a contrario du fond Templeton Frontier Markets Fund A EUR, noté Neutre par Morningstar, qui permet de s’exposer de manière globale aux marchés frontières (Afrique, Asie Émergente, Amérique Latine, Moyen-Orient & Europe Émergente).

ETF (gestion passive)

Autre approche que celle des ETF, qui comme souvent vis-à-vis des fonds possède l’avantage de proposer des frais de gestion réduits. Néanmoins, une approche passive sur les marchés frontières peut s’avérer plus risquée que l’approche basée sur les fonds. En effet, ces marchés sont dotés de spécificités, de particularités qui les rendent parfois compliqués, ce que la gestion active permet de contrebalancer a contrario des ETF qui, eux, répliquent leur sous-jacent sans aucune intervention stratégique pour tenter de surperformer ou de limiter la casse.

Les ETF possèdent malgré tout un second avantage d’intérêt en ce sens qu’ils permettent des expositions ciblées, fines au sein des marchés frontières. Comme nous l’expliquions plus haut, afin d’éviter l’amplification de la direction générale des marchés, il peut être intéressant de se focaliser sur certains pays des marchés frontières, comme le Qatar, les Émirats Arabes Unis ou l’Argentine. Ce faisant, les ETF thématiques permettent de séparer efficacement le bon grain de l’ivraie au sein des marchés frontières.

Vous pourrez trouver l’ensemble des ETF dédiés aux marchés frontières sur des sites comme ETF.com ou justETF. Il n’existe, à l’heure actuelle, qu’une poignée d’ETF globaux associés aux marchés frontières et, malheureusement, un seul possède le label UCITS permettant sa commercialisation en Europe :

  • iShares MSCI Frontier 100 (FM)
  • Invesco Frontier Markets (FRN)
  • Global X MSCI Next Emerging & Frontier (EMFM)*
  • Xtrackers S&P Select Frontier Swap UCITS (XSFD), mais TER de 0,95% !

* Cet ETF expose à la fois aux marchés émergents et frontières.

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Comparaison des performances entre 2012 et 2019 des ETF iShares MSCI Frontier 100 (FM) & Invesco Frontier Markets (FRN), par rapport à l’ETF iShares MSCI World (URTH).

En parallèle, la société financière Global X gère un panel d’ETF régionaux centrés sur des pays des marchés frontières ou en transition vers le statut d’économie émergente :

  • Global X MSCI Nigeria (NGE)
  • Global X MSCI Argentina (ARGT)
  • Global X MSCI Pakistan (PAK)

Notons enfin l’existence de l’ETF VanEck Vectors Vietnam (VNM) côté marchés frontières asiatiques. De nouveau, aucun ETF, de Global ou de VanEck, ne possède le label UCITS. Ces noms sont donc donnés à titre informatif.

Conclusion

À la lecture de cet article, il apparaît que les marchés frontières, bien que difficiles d’accès de prime abord ou souffrant d’étiquettes négatives, n’en restent pas moins une opportunité d’investissement à part entière. Opportunité que l’investisseur particulier se doit au moins de connaître, à défaut d’y investir lorsque son profil de risque ne le lui permet pas.

Pour ceux acceptant une prise de risque plus importante et/ou voulant s’exposer à de nouveaux marchés (dans une optique de saine diversification des investissements), les marchés frontières proposeront des actifs de plus en plus intéressants, attirant les investisseurs qui souhaitent bénéficier du statut d’early-adopter dans une classe d’actifs qui, selon certains, pourraient occuper une place de choix dans les grandes opportunités de rendement futures.

Nous insistons cependant à nouveau sur le fait que les marchés frontières ne seront véritablement pertinents que lorsqu’ils se verront combinés à d’autres classes d’actifs. En effet, ils ne devraient jamais constituer plus qu’une fraction dans une enveloppe d’allocation émergente, elle-même placée au sein d’un portefeuille correctement constitué et diversifié.

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2 réflexions au sujet de “Les Marchés Frontières : quand l’émergent ne suffit plus en 2019”

  1. J’en ai le souffle coupé !

    Bravo pour la qualité de la recherche documentaire, pour le ton et la qualité de l’article.

    Un peu surpris que les pétromonarchies du moyen-orient soient considérées comme des économies frontières. Je les voyais dans un modèle « développé » un peu à part. Mais bon, il est bien certain que MCSI le sait mieux que moi.

    Enfin les deux seuls mots utiles: Merci et Bravo.

    @+

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    • Avec plaisir 🙂
      En effet à part quelques pays qui sont au niveau émergent (et encore, depuis quelques années à peine quand on regarde plus en détails), c’est majoritairement du marché frontière dans le Moyen-Orient.

      Répondre

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