Pour commencer, notons que Starbucks est une valeur assez chère par rapport à ses pairs. L’entreprise se négocie à un ratio cours/bénéfice (Price-to-Earnings, P/E) de 133 sur 12 mois, ce qui est élevé compte tenu de la situation économique. À titre de comparaison, le secteur de la restauration américaine se traite à un P/E de 32 et le leader du groupe, McDonald’s, de 33. Là où le secteur de la restauration est sous-valorisé (value) en raison de la COVID-19, Starbucks entre clairement dans la catégorie des entreprises de croissance (growth). En effet, les attentes de croissances ne sont pas identiques.
Historiquement, sur la période 2010-2020 et selon nos calculs (régression des moindres carrés), le taux de croissance annuel du BPA de Starbucks se situait à 21 %. Grismer, le CFO de Starbucks, a quant à lui déclaré aux investisseurs que l’entreprise vise une croissance du BPA à long terme autour de 10 % par an. Le BPA devrait augmenter de 210 % entre 2020 et 2021, de 20 % entre 2021 et 2022 avant de se stabiliser à 10-12 % en 2023 et 2024. D’où la survalorisation actuelle : les investisseurs paient les résultats futurs. Quant à savoir si cette croissance sera réellement atteinte, personne n’est devin ! Mais il vaudrait mieux au regard de ce qui suit.
La dette, nous l’avons déjà dit, reste un point à surveiller. Contracter de la dette afin de racheter ses actions et verser un dividende alors que les bénéfices ne suivent pas est tout sauf sain. C’est d’ailleurs ce qui a conduit Starbucks à des bénéfices non répartis négatifs en 2020 (et 2019) : l’entreprise a payé plus d’argent qu’elle n’en a gagné.
Les ratios Debt-to-Equity (D/E) et Price-to-Book (P/B), tous deux négatifs, traduisant bien cette situation. Ils signifient que Starbucks a actuellement plus de passifs (capitaux et dettes) que d’actifs (biens et droits). Si le pire des cas devenait une réalité et que Starbucks, faisant faillite, devait vendre tous ses actifs, elle aurait donc toujours des passifs impayés. Il ne resterait alors rien à donner aux actionnaires, qui perdraient tout. Le Z-Score d’Altman de 2,6 traduit, lui aussi, l’incertitude actuelle concernant la possibilité d’une faillite dans les 2 ans.
Dans ce genre de situation à équité négative, il faut donc être prudent, car le risque est plus élevé vis-à-vis de l’endettement général. Néanmoins, pour Starbucks, la situation peut être nuancée :
- Le ratio de liquidité générale (current ratio), qui mesure la capacité de Starbucks à payer ses obligations à court terme, est supérieur à 1. Il signifie que l’entreprise est capable d’honorer ses passifs à court terme, les intérêts de dette en premier lieu (437 millions d’USD en 2020). À cet effet, Starbucks possède plus de 4,6 milliards d’USD de trésorerie, équivalents de trésorerie et autres investissements à court terme. Ce sont des actifs très liquides qui peuvent être mobilisés immédiatement si nécessaire (notons qu’ils couvrent 10x les intérêts de dette à eux seuls).
- La composition des passifs totaux, où 40 % des passifs consistent en de la dette à long terme à rembourser en majorité après 2025, bien après la COVID-19. De plus, 18 % des passifs sont liés aux cartes Starbucks et correspondent aux cafés payés aujourd’hui qui devront être servis dans le futur… À moins d’être oublié par le client (10 % de rupture par an, en moyenne).
- La raison triviale derrière l’endettement de Starbucks en 2020 : au-delà se soutenir son développement, Starbucks emprunte pour continuer à récompenser ses actionnaires, en augmentant de manière constante ses dividendes et en rachetant ses actions. Faisant fi de la COVID-19, Starbucks rétribue son actionnariat, engendrant des capitaux propres négatifs sur le court terme. Comme dit plus haut, cette façon de faire n’est pas souhaitable à long terme, car elle mettrait la santé financière de Starbucks en danger. D’où l’arrêt du rachat d’actions, notamment.